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30/06/2001
"Je suis épatée par la finesse d'analyse de mes filles"

Par Francette Vigneron
Une maman


Les épreuves du bac philo se sont déroulées il y a une vingtaine de jours, et il m'est venu à l'esprit que l'un des sujets aurait pu être : "Un plaisir peut-il être nocif" ? ou encore "Quand la réalité est montrée ou racontée, s'agit-il toujours de la réalité ou bien est-ce une fiction ?"

J'ai 47 ans, je suis infographiste, et surtout, maman de deux filles de 14 et 9 ans. Nous suivons assidûment Loft Story en famille depuis le début et nous en discutons beaucoup. Mon conjoint, qui travaille dans le bâtiment, participe aux débats familiaux. Le repas du soir est devenu l'occasion d'échanges passionnants sur toutes sortes de sujets : la sexualité, les relations entre hommes et femmes, l'implication de chacun dans la vie quotidienne, les relations entre la réalité et la fiction, la psychologie (mes filles se révèlent très fines mouches et leurs pronostics comportementaux sont presque toujours justes), la manipulation, l'arrivisme, les apparences et la vérité d'un être, le jeu et l'opportunisme, etc... J'oublie la tolérance, la patience. Une encyclopédie pratique des relations humaines. Ce sont toujours mes enfants qui engagent le débat sur le ou les thèmes qui leur viennent. Les ami(e)s de mes enfants s'y mettent aussi et je sais que de nombreux parents d'élèves (je vis dans un tout petit village de campagne) ont adopté la même démarche : ouverte, à l'écoute, sans préjugés, affectueuse et accueillante.

Alors, j'ai bien ri à la lecture des propos incendiaires dont l'émission a été gratifiée de la part de nombreux "bien-pensants" de notre douce France. J'ai bien ri car ces réactions sont tellement étrangères à ce que vivent et ressentent les jeunes, aux réflexions que leur inspire les aventures des lofteurs. Ces personnes doctes et sentencieuses se rendent-elles compte qu'elles font passer tous leurs tabous, leurs angoisses et leurs "coinceries" avant le simple examen des faits ? Loft Story est une histoire d'argent ? Oui, c'est vrai, comme la quasi totalité des émissions de télé, comme le cinéma, comme l'art, comme la musique. Au lieu de nous en offusquer grassement, parlons-en entre nous adultes et avec nos enfants. Pourquoi ça marche comme ça ? Faisons de la philosophie, c'est-à-dire, questionnons les évidences, sondons les réponses à l'emporte-pièce, tentons de réfléchir sur les enjeux de notre monde. Surtout si nous sommes parents, adoptons la tactique du judoka "la voie de la souplesse" et utilisons la force de l'autre pour en tirer avantage au lieu de lui rentrer dans le chou comme des inquisiteurs assoiffés d'hérésie.

Je suis épatée, je le disais plus haut, par la finesse d'analyse de mes filles. Elle savent bien collecter les indices, repérer les faux-semblants et même les "manipulations" des initiateurs du jeu. Loft Story ne dure que 10 semaines : pourquoi ne pas en profiter pour refléchir ensemble au lieu de fermer la porte en la claquant au nez (de qui sinon de nous-mêmes). Hier, un américain a été exécuté : les images des journalistes racontant sa mort et les joyeux lurons décomptant à rebours les dernières secondes du condamné et hurlant leur joie à l'annonce de son décès étaient d'une grande violence - insoutenables pour moi qui en avait les larmes aux yeux : eh oui ma fille, tu vis dans un monde impitoyable et cruel. Tu appartiens à une espèce animale des plus perverses et agressives. Que faire ? En parler bien entendu, en parler avec notre mari, nos voisins, nos enfants : parler de ce qui nous dérange , nous indigne et nous blesse. Dans Loft Story, il y a tous les ingrédients d'un opéra de Mozart (je ne plaisante pas) ou d'une comédie musicale (non plus). Mozart aurait vécu à notre époque, il aurait regardé Loft Story et en aurait beaucoup parlé en famille avec ses deux fils, il aurait initié la création d'un livret et aurait composé : parce que c'est de son temps et il vivait dans son temps... Il disait aussi que "l'amour est l'âme du génie".

Loft Story est un jeu-concours. Lois et rigueur. Arbitraire. Ne pas nier cela mais au contraire parler de l'arbitraire, du pouvoir de juger autrui. La métaphore de Yves Bouquier sur Dieu est bien vue. Je pense que chaque instant de notre vie est un Loft Story, car nous vivons constamment sous le regard des autres. Nous sommes tout le temps les petits dieux des autres, les petits juges des autres.

J'aime beaucoup LoftStory que je trouve utile, voire réparateur, voire initiateur. Et moi, qu'on a toujours qualifiée de libertaire, je préfère passer pour une niaise que pour une dogmatique.

Vive la philo, partout où on peut la rencontrer. Avec Loft Story, c'est dix sujets par jour. Dans quelques poignées de jour, on passera à autre chose . "On", c'est les médias, c'est les grandes personnes... Mais les gamins, ils en parleront encore longtemps et tout ce qui aura été dit et construit entre membres d'une familles, entre parents et enfants, entre jeunes, servira la paix.

Je vous salue toutes et tous.





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