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09/06/2001
La vraie raison
du succès de Loft Story


Par Yves Bouquier
Un internaute


On a beaucoup dit ici et là que le succès de ce premier exemple français de "real TV" devait son succès au voyeurisme sur lequel il reposait. Le public a en effet l'impression de regarder par la serrure de son voisin, mais sans la peur ou la mauvaise conscience qui vont avec.

La cause du succès de Loft Story est en fait beaucoup plus compliquée et insidieuse : le monde créé dans Loft Story n'est pas une parcelle de monde isolée dans un loft, mais un monde à part entière, avec ses lois et ses principes, comme tout monde.
Les vies montrées dans Loft Story ne sont pas des " tranches de vie ", mais des vies à part entière, avec leurs lois et leurs principes, leur naissance et leur mort.
La naissance des participants est symbolisée par leur sortie d'une limousine à l'intérieur sombre. On avait vu auparavant, en guise d'échographie, un clip nous montrant la personnalité de chacun. Cette naissance, comme toute naissance, est accompagnée d'encouragements et d'applaudissements.

Viennent ensuite les années d'enfance, joyeuses et insouciantes, et qui durent en tout et pour tout deux semaines durant lesquelles tout le monde est l'ami de tout le monde, et personne ne pense encore à la mort. La mort : l'élimination. La fin d'une micro-vie, avec ses joies et ses peines, ses hauts et ses bas. Dès lors que l'on pense à la mort, à l'élimination, la sienne ou celle des autres, les comportements changent. On se demande à quoi ressemble la mort. Faut-il ou non la redouter ? Y a-t-il ou non une vie après l'élimination ? Sera-t-on populaire ou ridicule ? Enfer ou paradis ?
L'élimination, comme la mort, draine sa part de mystère et d'inconnu. Personne n'est jamais revenu de l'élimination. Il paraîtrait qu'il y a un long couloir, et au bout du couloir, une lumière... (un studio télé ?). Pour les survivants, on pleure ses éliminés en attendant sa propre élimination.

Dans le monde de Loft Story, une vie ne dure pas longtemps, dix semaines tout au plus, souvent moins : Aziz est mort à l'age de deux semaines... destin tragique. David s'est suicidé au bout de quatre jours, voulant quitter un monde où il ne trouvait pas sa place. Delphine a été victime d'une maladie mortelle.
Comme tous les animaux à courte durée de vie, l'habitant du loft a un instinct de reproduction assez développé, dans la piscine par exemple.
Mais le succès de l'émission ne vient pas essentiellement du fait qu'elle a réussi à créer un monde et des vies, mais du fait que ce monde, comme d'autres, a besoin d'un dieu, et ce dieu, c'est le public.
En effet, qui peut à tout moment voir vivre et évoluer les habitants du loft ? Le public. Qui a droit de vie ou de mort sur les habitants du loft (à 3,68F par appel) ? Le public. Les habitants du loft sont les croyants de ce dieu, des croyants pratiquants qui se doivent de plaire à leur dieu, en étant plus beau, plus drôle, plus séduisant, plus vivant... Ces croyants n'ont jamais vu leur dieu. La représentation qu'on en fait habituellement est une ménagère de moins de cinquante ans.
Dans ce monde qu'est Loft Story, le public est Dieu, et Benjamin Castaldi son prophète. Un prophète qui fait part aux croyants des votes divins tous les jeudis, jour de la messe cathodique.

La principale différence entre notre monde et celui de Loft Story ne vient pas du fait que les habitants de ce dernier sont plus jeunes ou plus beaux, mais du fait que, dans Loft Story, c'est le prophète qui fait croire au dieu qu'il est dieu, alors que dans notre monde... Quoique...





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